Édition Spéciale Covid-19 et Architectures Hospitalières
La crise sanitaire a renouvelé les combinaisons possibles entre les trois variables incontournables pour répondre aux besoins des patients hospitalisés : les ressources humaines, les matériels de soins, les espaces qui les réunissent. Ces derniers ont parfois été récupérés, là-où l’hôpital les avait désaffectés (comme au CHU de Lille qui a pu s’appuyer sur des réserves capacitaires conséquentes), multipliés avec la création des centres de vaccination ou privatisés avec l’installation de drives pour répondre à la demande de tests PCR ou antigéniques. Dans tous les cas la relation à l’espace de soins a été repensée pour éviter le défaut de prise en charge, quitte parfois à prendre le risque de saturer les services.
La réingénierie des espaces n’est pas en soit suffisante et les hôpitaux en France comme à l’étranger, l’exemple des hôpitaux universitaires de Genève l’illustre parfaitement, ont dû décliner conjointement les solutions organisationnelles et les solutions capacitaires. Il nous reste à creuser ce sillon d’une réflexion duale et adaptative pour la rendre encore plus réactive, tant la crise a montré son imprévisibilité, notamment à l’égard de pathologies qui ont évolué et qui continueront de le faire en fonction des limites de la couverture vaccinale et de l’évolution des variants.
Si nos établissements ont su réagir, notamment en conciliant les différents types de contraintes pour développer des solutions opérationnelles, il nous revient d’anticiper constamment les contours d’un paysage sanitaire qui restera durablement modifié, voire définitivement modifié.
Cet effort d’anticipation consiste dans chaque périmètre à se redonner des marges de manoeuvre pour que les solutions retenues ne se résument pas à des arbitrages extrêmement limités ou à des transferts de patients, toujours difficiles à accepter pour les familles.
Sur le plan des RH le chantier de l’attractivité, emporté dans les réflexions du Ségur, doit utilement se doubler d’une évolution des cultures managériales pour mieux prendre en compte les propositions des équipes (les conseils de services pourraient ainsi être relancés), les souhaits des jeunes générations (médicales ou non médicales) de pouvoir plus facilement concilier vie personnelle et professionnelle, les possibilités offertes par les textes pour renforcer l’intéressement collectif ou la négociation, dispositifs ayant en facteur commun le renforcement de la notion de collectif de travail.
Les avancées en matière biomédicale (par exemple par le biais des différentes formes de tests ou du séquençage à haut débit) ont été importantes pendant la crise. La durée de la crise et son ampleur ont ainsi imposé à l’ensemble des acteurs, non seulement de poursuivre les efforts d’amélioration qualitative et technique des outils existant ou en développement (avec un rôle de plus en plus net octroyé à la gestion et à la massification des données de santé), mais aussi de s’emparer des enjeux de gestion des stocks, des matières premières et de réindustrialisation (production de certaines molécules indispensables en réanimation, plastiques, masques, blouses, …).
Enfin le rapport à l’espace a été sensiblement amendé. Des outils innovants ont été envisagés voire développés (unité mobile de réanimation), le numérique s’est renforcé (développement de la télémédecine pour limiter les déplacements), la modularité et l’élasticité des structures hospitalières n’ont cessé d’être questionné. Plus que jamais la question de l’hôpital de demain a été taraudée par la crise et nous impose de repenser notre vision de celui-ci. Il est fondamental que cet espace « repensé » soit pris en compte par le Comité National d’Investissement en Santé (CNIS) né du Ségur, notamment pour intégrer aux futurs investissements hospitaliers les besoins de soins devenus incontournables (unité épidémique, chambre sassée, chambre à un lit, conception des espaces collectifs…)
Les retours des CHU dans ce hors-série permettront de partager les bonnes pratiques ayant concouru à améliorer les prises en charge et, au final, de donner des pistes et de l’espoir dans un contexte particulièrement difficile pour l’ensemble des équipes hospitalières.
Marie-Noëlle GERAIN BREUZARD
Présidente
Conférence Nationale des DG de CHU
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